Zoom sur Tremplin

La mission de Tremplin consiste à apporter une aide éducative à des enfants ou des adolescents âgés de 0 à 18 ans au sein du milieu familial ou en résidence autonome et à soutenir les parents dans leur fonction parentale. Mais que signifie « soutenir les parents dans leur fonction parentale »? Que font concrètement les intervenants Tremplin? Découvrez en plus sur le service et son fonctionnement à travers 9 questions/réponses.

Comment les familles « arrivent »-elles à Tremplin?

Tremplin est un service mandaté par le Service d’Aide à la Jeunesse ou par le Tribunal de la Jeunesse. On appelle le « mandant » celui qui délivre le mandat (le Conseiller du SAJ dans le premier cas, le Juge de la Jeunesse dans le second). Le mandat spécifie les objectifs de la prise en charge et est nominatif par enfant(s). Un mandat concerne maximum 3 enfants donc si la prise en charge concerne une famille avec 4 ou 5 enfants par exemple, il y aura 2 mandats. La prise en charge de familles « très nombreuses », avec deux mandats pour une même famille, devient plus fréquente que par le passé. Quand les familles viennent sur demande du Tribunal, elles sont contraintes de travailler avec nous et ne peuvent pas interrompre librement la prise en charge avant la fin du mandat (ce qu’on appelle « l’aide contrainte »). Quand elles viennent sur demande du SAJ, il s’agit d’une aide négociée entre la famille, le service et le mandant qui se réévalue à chaque formalisation (tous les 6 mois), ce qu’on appelle « l’aide consentie ». Parfois ce sont les parents eux-mêmes qui font la demande, parfois la demande vient du SAJ car il y a eu une dénonciation de la part de quelqu’un de l’entourage de l’enfant ou de la part d’une entité du réseau de l’enfant comme l’école par exemple ou parfois dès la naissance ou même avant par dénonciation des délégués ou du milieu hospitalier. Si la famille refuse de poursuivre le travail avec notre service et que le mandant est inquiet, il peut faire passer le dossier au Tribunal de la Jeunesse.

Qu’entend-t-on par accompagnement? Quel est le rôle exact de Tremplin?

Le rôle de Tremplin est d’accompagner la famille, d’offrir un soutien à la parentalité au bénéfice de l’enfant. L’objectif est d’aider les familles, mais pas de faire à leur place. Nous devons leur donner les clés et le sens pour qu’elles puissent elles-mêmes changer leurs manières de faire afin de rencontrer les objectifs du mandat. Parfois, les objectifs évoluent en cours de mandat. Les Juges et les délégués ne rencontrent pas la famille dans son quotidien comme nous le faisons. De ce fait, certains enjeux du quotidien se révèlent parfois en cours d’accompagnement. Il arrive qu’on commence à travailler pendant 6 mois sur d’autres objectifs que ceux fixés dans le mandat. Par ailleurs, il s’agit d’un accompagnement, parfois contraint, mais le suivi n’est pas obligatoire. Par contre, si la famille n’effectue pas le suivi proposé, cela sera mentionné dans les rapports à l’attention du Juge et la famille devra en assumer les conséquences potentielles (par ex : placement du/des enfant(s) si manque total de collaboration de la famille). Nous avons l’obligation de rendre un rapport sur l’évolution de la prise en charge après 3 mois et après 6 mois, ensuite si le mandat est renouvelé nous effectuons des rapports tous les 6 mois.

Comment se passent les premiers contacts avec les familles? Comment créer le lien et la confiance?

Au commencement a lieu un entretien ici en présence du délégué du SAJ ou du SPJ, de la famille et de Tremplin. Nous présentons le service et discutons de ce qui a mené à l’ouverture du dossier pour leur(s) enfant(s). Nous expliquons notre cadre de travail et nous leur remettons le règlement d’ordre intérieur (heures, organisation, missions du service).

Un deuxième entretien a lieu au SAJ ou au TJ avec le conseiller ou le Juge, le délégué, la famille, Tremplin ainsi que l’avocat du/des enfant(s) s’il y en a. L’objectif de cette deuxième rencontre est d’officialiser les objectifs du mandat et de réexpliquer la situation et les raisons pour lesquelles Tremplin est mandaté. Ensuite commence réellement et officiellement la prise en charge. Au départ, les visites sont souvent plus fréquentes. Il faut apprendre à se connaitre. Nous essayons de toujours rappeler le cadre et les objectifs du mandat. C’est très important et il s’avère dans la plupart des cas nécessaire de l’expliquer à plusieurs reprises aux familles. Nous lisons ensemble le livre « Les Tracaneux » qui est un très bon point de départ pour expliquer notre approche et l’objectif de notre accompagnement.

Concrètement, comment se passe une semaine pour un Intervenant Social Tremplin ?

Chaque personne se voit attribuer 4 situations en tant que référent et 4 situations en tant que cointervenant. Nous travaillons toujours en cointervention afin de confronter des regards différents sur une situation. La cointervention permet d’adopter une vision globale de la problématique familiale. C’est tout un travail d’introspection sur soi d’abord. Le travail en cointervention, c’est aussi évoluer dans son point de vue personnel et accepter le fait qu’il peut y avoir plusieurs visons et approches pour une même difficulté familiale. Les familles que nous suivons nous octroient inévitablement des rôles également. Nous essayons d’aborder les choses de la manière la plus professionnelle possible et nous efforçons de rester naturel, sensible et ouvert. En général, le référent voit la famille une fois par semaine et le cointervenant de manière plus ponctuelle. Ceci est évidemment une moyenne et nous travaillons bien entendu en fonction des besoins. En début de prise en charge, les visites sont souvent plus fréquentes car il faut apprendre à se connaitre, poser les bases de la prise en charge. À l’inverse en fin de prise en charge, on tend à espacer les visites pour rendre petit à petit la famille de plus en plus autonome et préparer à l’après. Les durées des visites sont évidemment variables également. Parfois, la visite dure une heure, parfois 3 ou 4h. Ces visites ont toujours lieu sur RDV.
A côté de ces visites en famille, nous avons des rencontres avec les membres du réseau : l’école, l’école des devoirs, la maison de quartier, le PMS et tous les autres potentiels intervenants qui gravitent autour de l’enfant. Tous les mardis matin se tient une réunion d’équipe afin d’échanger sur les situations. Ces réunions sont essentielles pour obtenir un éclairage extérieur sur la situation. Une fois par mois, nous avons également une supervision encadrée autour d’un cas clinique. Ces supervisions s’avèrent également essentielles pour enrichir notre approche. Enfin, il y a toute une série de tâches administratives à gérer. Pour chaque famille, c’est la personne référente qui en est responsable.

Dans quel contexte et quand se termine une prise en charge?

La durée initiale de la prise en charge est de 6 mois. A la fin des 6 mois, un bilan est dressé sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Le mandat peut être prolongé plusieurs fois de 6 mois (ou 3 mois dans des cas rares), sans excéder un an et demi (sauf dérogation exceptionnelle). Dans la plupart des cas, les mandats sont prolongés et il s’avère que la durée moyenne de prise en charge à Tremplin est actuellement d’un an et demi et correspond à cette durée maximale théorique. Dans des cas rares, il arrive qu’en fin de prise en charge les enfants soient placés. Après la fin de la prise en charge, les délégués continuent à voir les familles. Parfois, ils nous appellent quand ils ont une question ou pour avoir notre avis sur une situation. Il est même arrivé récemment que l’on reprenne une situation arrêtée depuis 1 an.

Y a-t-il des mesures qui se mettent en place pendant la prise en charge et qui
continuent par la suite ?

Oui, bien sûr cela arrive. Par exemple, le placement des enfants en internat ou un suivi psychologique ou avec un logopède ou psychomotricien.

Que trouvez-vous le plus difficile dans votre travail?

Ce qui est très difficile c’est le manque croissant de moyens et toutes les frustrations que cela engendre. Certains enfants devraient être placés mais faute de place ils arrivent à Tremplin alors que nous avons le sentiment que le travail d’accompagnement est quasiment d’emblée voué à l’échec. Par ailleurs, les familles savent que les places dans les services résidentiels sont bouchées, que la liste d’attente est énorme et donc elles savent aussi que même si elles ne collaborent pas comme nous le souhaiterions, leurs enfants ne seront pas placés. Quand un enfant ou un parent nécessite un suivi psychologique parfois il y a un délais d’attente d’un an avant de pouvoir commencer le travail tant les centres de santé mentale sont saturés. Et évidemment, les psychologues privés coûtent trop cher. Au niveau des logements sociaux, c’est pareil : 10 ans d’attente en moyenne.

Que trouvez-vous le plus épanouissant dans votre travail?

Voir les enfants évoluer, les voir sourire et s’épanouir. Entendre les parents nous dire merci aussi, ce qui arrive parfois. De temps en temps, des parents nous téléphonent pour nous dire qu’ils vont mieux et nous remercier de les voir aidés. Ça fait plaisir.
Souvent, nous nous rendons compte que nous sommes arrivés à recréer le lien entre la famille et l’intervenant. Très souvent, ils nous disent que nous les avons réconciliés avec les travailleurs sociaux et cela aussi c’est gratifiant.
Enfin, il y a la reconnaissance de notre travail par le Juge. Nous ressentons une grande confiance de la part des Juges. Nous sentons qu’ils nous font réellement confiance et qu’ils écoutent nos recommandations.

Y-a-t-il un mot, une phrase qui illustre votre manière de fonctionner à Tremplin?
La transparence. Sauf exception en cas de danger immédiat pour l’enfant, nous ne faisons rien dans le dos des parents. Si nous allons à un rendez-vous sans eux, nous les mettons au courant. Tout ce qui figure dans les rapports leur est communiqué à l’avance. Il n’y a aucune surprise. Nous leur disons ce qui ne fonctionne pas. L’adaptabilité également. Nous devons sans cesse nous adapter aux familles. Nous devons nous intéresser à elles, à leur culture, leurs valeurs. Nous devons comprendre ce que signifie pour eux éduquer un enfant. Souvent la famille arrive avec son bagage et sa diversité culturelle et il n’est pas simple de rentrer dans les cases de la société. Notre rôle est de leur apprendre à faire différemment sans les déraciner. Parfois, nous essayons de leur expliquer que le choc culturel que vit leur enfant à l’école parmi ses camarades de classe est plus grand que ce qu’eux vivent en tant que parent. Notre rôle est aussi de trouver une justesse entre ce qui leur est demandé et ce sur quoi ils sont en mesure d’évoluer. En somme, Tremplin est là pour « faire un bout de chemin » avec les familles. 


Interview de l’Equipe Tremplin réalisée le 5 avril 2022

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